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Retour a Lyon

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Après presque un mois de repos sur les iles grecques, quelques semaines agréablement lentes et riches en rencontres, me voila rentrée, sans regret, contente d’être de retour, contente de ce que j’ai vu et fait, digérant sereinement cette experience de voyage, tout en reprenant ma petite vie.

Je ne vais pas vous narer en détails cette fin de voyage, puisqu’il n’est pas très interessant de raconter mes ploufs dans la mer, et mes journées de parfaite non-activité, lézardant sur les rochers de la côte, appréciant l’ennui comme jamais.

Brièvement tout de même :

Depuis le dernier article, j’ai surtout rencontré les grecs, et suis restée par exemple presque une semaine sur l’ile de Kefalonia, dans la maison d’Avgerinos. Avec ce type d’une quarantaine d’années, rencontré par couchsurfing, j’ai passé plusieurs jours à manger des glaces et à bavarder, dans son jardin tout en fleur, entre chaise à bascule et canapé. Puis j’ai traversé l’ile pour, a Fiskardo, prendre le bateau qui m’emmenerait à Lefkada, l’ile voisine. Je suis arrivée a Vasiliki, où comme souvent, j’ai mangé et passé la soirée avec de parfaits inconnus, rencontrés simplement en terrasse d’un café. J’ai ensuite traversée Lefkada, l’ile, m’arretant dessiner par-ci par-là, remontant jusqu’à Lefkada, ville, où j’ai rencontré Kostas, un autre couchsurfeur. Comme d’habitude l’accueil est incroyable, on m’emmène voir les plus beaux coins, et passer des soirées sur la plage jusqu’à trois heures du matin, avec une bande d’amis.  Comme d’habitude également, entre deux sujets plus légers, ça parle politique, Europe, et crise. Et on ne dit pas n’importe quoi, on rit peu.

Par la suite, j’ai rejoint la côte, m’arrêtant une nuit à Preveza, chez Ellias, un étudiant. Et on continue l’histoire : il y a ceux qui se sentent roulés, ceux qui de toute façon n’y avait jamais cru, ceux qui veulent mettre le feu, ceux qui se sentent impuissants.

Remontant la côté ouest vers le nord, je me marque un dernier arrêt à Loutsa, une immense plage, plutôt jolie, si on lui enlevait ses 500 transats et sa foule grouillante. Je rencontre alors Panos et sa petite troupe de copains. Tous sont venus vivre ici pour l’été, filer la main à leur ami qui possède l’un des 25 bars de la plage, en échange d’une place dans la petite maison.  De toute façon qu’est-ce que tu veux qu’on fasse, on a tous été obligés de retourner chez nos parents à 30 piges, alors dés qu’on peut on part, avec quels sous tu veux qu’on voyage ? Et puis y’a pas de travail, et même s’il y en avait, je vois pas pourquoi je bosserais, c’est pas avec la paye minable qu’on me propose que je me sentirais plus libre. Alors je viens vivre ici, au présent. Et demain ? on verra.

Demain ? Demain on se casse.

Alors avec ce petit monde j’ai partagé un bout de quotidien, et plutôt que de rester un soir je suis restée une semaine. J’ai laissé mon vélo pour un vespa, sur le dos duquel et bien souvent à trois, nous parcourions lentement et plusieurs fois par jour la petite route qui longeait le bord de mer, de la maison à la plage, de la plage au bar et du bar à la maison. On va à la pêche le matin pour le midi, flemmarde sur les rochers, joue du bouzouki, et on aide notre pote à faire son beurre.

« Et dis donc, t’as vu Machin, ça y est la banque lui a pris sa maison – A lui aussi?  – bha oui. – Et il lui restait combien ? – je sais pas, 3 ans, ça faisait 14 ans qu’il payait. »

« Tu vois, ici, il n’y a plus que le présent qui compte. »

« Et j’ai trouvé un boulot pour septembre, dans une usine à la chaine, à Amsterdam, je suis content, je m’en vais bientôt. »

Puis est venu le moment de rentrer, l’envie de revoir tout le monde. Comme si j’avais terminé ce que je voulais faire et que je pouvais rentrer sereine. Aller hop : il est 18 heures, je décide de faire 70km pour arriver à Igoumenitsa avant la nuit et prendre le bateau pour Venise le lendemain matin. Et sur mon vélo je suis fière, je n’ai plus peur de partir sur un coup de tête, de n’avoir rien programmé, d’arriver seule le soir dans une ville inconnue sans savoir où aller, de passer pour folle ou inconsciente. D’ailleurs à ce moment là, j’ai au contraire l’impression de ne jamais m’être sentie aussi consciente, consciente de mes capacités physiques, consciente que je ne suis jamais seule, consciente que je peux me débrouiller. Alors j’arrive dans cette ville portuaire juste à la nuit, je parle aux gens assis en terrasse, tape à la fenêtre de la boutique de billet, on me fait entrer, raconter d’où je viens avec mon vélo chargé, on me paie un coup à boire, m’accompagne en scooter pour me montrer l’hôtel le moins cher de la ville, un peu de négociation, et je suis tranquille. Les gens sont formidables.

J’ai pris le bateau pour un voyage de 26h, et me suis faite encore des amis d’un jour – Drole de rencontre – puis suis allée en train en Suisse-Italienne , à Fusio, dans le fond d’une vallée, pour rester une petite semaine, faire de la rando, voir les vaches et les chèvres, et payer 3 euros un paquet de riz, jusqu’à ce que mon Pôpa et ma Môman me rejoignent et que je rentre avec eux.

Le voyage se termine donc ainsi. J’ai retrouvé tout le monde à Lyon puis à Dole. Je raconte au compte-goutte les petites anecdotes, et surtout, je digère. Je fais le bilan de ce que j’ai appris et des doutes qu’ils me restent.

Je crois que j’ai énormément appris, physiquement bien évidemment, mais surtout dans le relationnel. J’ai appris à dire « je peux manger avec vous » à une personne seule, dans un restaurant. Et les gens sont contents.

J’ai appris que ma générosité était beaucoup trop timide comparée à tout ce que les autres sont capables de me donner, ou peut-être est-elle trop intéressée, je crois que j’aimerais apprendre à donner sans en attendre en retour ni même la reconnaissance.

Et je revois.

Les images qui me laissent encore perplexe. Ces autres rencontres, plutôt de loin, juste des regards, avec tous ces migrants à Patras et Igoumenitsa qui attendent vers les grillages du port, sans se cacher franchement, à toute heure du jour comme de la nuit, et qui occupent des maisons en ruines à 20m de là. De temps en temps certains courent vers un camion dans le port, ou reviennent rapidement, les militaires qui leur courent après. Et moi qui hallucine.

La découverte de la Grèce, ce fut aussi l’arrivée des néo-nazis au parlement, la peur de l’étranger grandissante, et surtout son accusation, le migrant, responsable des maux du pays, et les faits divers des journaux qui alimentent le tout. Nombreuses sont les rencontres et les discours qui m’ont fait froid dans le dos, et rendue plutôt pessimiste sur la tournure que prendront les choses. A la déprime générale s’ajoute un climat de tension, les gens se lachent, s’expriment, vont encore plus loin dans leurs idées, mais les discours sont franchement opposés. Jusqu’où? ou jusqu’à quand ?

D’autres choses encore me travaillent. Je revois le voyage seule, le voyage à quatre étant la seule fille, puis le voyage à deux, avec un compagnon, et me souviens comme je constatais, quotidiennement, à quel point ces trois formes étaient différentes. A quel point la considération des gens à mon égard était radicalement autre selon que j’étais seule ou avec une compagnie masculine. A quel point j’étais un jour admirable, courageuse, et sympathique, une sorte de superwoman, et l’autre jour considérée comme simple suiveuse, peu intéressante, à qui on ne s’adressait pas en premier. Je me souviens comme j’étais fatiguée de tout cela, et comme la fatigue me faisait préférer accepter plutôt que de m’épuiser à répondre.

« Mais, qui va bricoler ton vélo si tu as un problème toute seule ? »(France, Grèce)

« Et elle, comment fait-elle pour suivre? » sans s’adresser à moi, à côté.(Italie)

Et puis la scène où on m’apporte un jus de fruit et à l’autre un verre de racki.

« Peux-tu aller te coucher, j’aimerais être avec Andrea entre hommes »

« Comment t’es venu l’idée de voyage? » demandait-on systématiquement a Andrea, encore sans s’adresser à moi, pourtant à côté (Turquie, Grèce). « heu…comment dire… heu…en fait…heu … LE VOYAGE C’EST MOI OK? c’est MON idée, MA décision! Et ton fin sexisme, que tu crois absent, il m’agace, me fatigue, chaque jour un peu plus.

Mais même ça, ça m’a appris.

C’était génial, absolument génial, je le referais et le referai. Il semblerait simplement que ma phase digestive ne soit pas tout à fait terminée. Disons que je me sens à la fois apaisée et en colère. Alors j’ai envie de vous voir pour vous raconter, de dessiner, d’écrire pour partager.

Alors à bientôt ?

les dernières photos, et plus de dessins si vous remontez.

des bisous